- Rencontre
By L'Atelier des Matières
« Nous devons valoriser d’autres paramètres
que la seule performance financière »
Fabrice Bonnifet est le Directeur Développement Durable & QSE (Qualité-Sécurité-Environnement) du Groupe Bouygues et Président du Collège des Directeurs du développement durable (C3D), Administrateur de The Shift Project.
Co-auteur du livre L’entreprise contributive, il explore des modèles économiques plus durables et responsables, et la possibilité de concilier monde des affaires et limites planétaires.
ADM Que signifie le sous-titre de votre livre avec Céline Puff-Ardichvili, “Concilier modèles d’affaires et limites planétaires” ?
Nous devons redéfinir les critères de succès des entreprises pour aller au-delà de la seule performance financière.
Il s’agit de mettre en lumière des modèles à visée régénérative qui intègrent au cœur de leurs activités l’allègement de notre dette écologique. Le capital naturel doit être considéré dans les bilans au même titre que le capital financier, car préserver ce capital constant est essentiel pour toute forme de croissance véritable et durable.
ADM Pourriez-vous expliquer l’importance de préserver les ressources vierges ?
En effet, il devient crucial de créer de la valeur en maintenant un stock constant de ressources. Les leaders éclairés doivent accepter de réencastrer leurs modèles économiques dans les limites de notre planète.
Nous devons réapprendre à « faire de l’argent » non seulement sans détruire le monde, mais mieux encore, en œuvrant à sa réparation. Le modèle d’économie linéaire a conduit à une production excessive de déchets ; il est temps d’établir une économie de haute qualité d’usage, où l’on satisfait des besoins réels tout en préservant les ressources.
ADM Quelle part de nos choix pour demain est conditionnée par le rêve ?
Il nous faut construire ensemble un nouvel imaginaire du vivre ensemble, un idéal fondé sur la justice sociale et le bien-être collectif. Le rêve d’une empreinte écologique allégée pour le bien commun est à portée de main.
L’arbre, par exemple, est un climatiseur naturel ; le végétal, un remède contre l’anxiété. Nous devons retrouver la capacité de nous émerveiller de la beauté du vivant, car nous ne protégeons réellement que ce que nous aimons.
ADM Comment les entreprises peuvent-elles répondre à la crise climatique, et quels conseils pour initier ce changement incontournable ?
Le défi consiste à rendre le changement désirable. Le bonheur ne réside pas dans la possession, mais dans un usage juste de ce dont nous avons besoin, au moment où nous en avons besoin. Plus de partage, de mutualisation – voilà des pistes d’avenir. La rentabilité et le respect de l’environnement ne s’opposent pas : de nouveaux indicateurs doivent évaluer les pratiques sociales et environnementales, rendant ces aspects des leviers de performance. En redéfinissant les valeurs projetées dans leurs communications et stratégies, les entreprises peuvent concilier créativité et circularité, ouvrant la voie vers un modèle économique contributif et responsable.
ADM : Quels conseils donneriez-vous pour transformer l’organisation elle-même ?
La transformation débute par la remise en question des processus en place. Les collaborateurs doivent se demander : d’où viennent nos ressources ? Pouvons-nous privilégier des matériaux recyclés ? Former les équipes à ces enjeux est essentiel, car la prise de conscience collective est le socle d’une évolution durable.
L’innovation est le levier qui rendra cette transformation accessible et compétitive. Il est temps de réinventer nos critères de performance et les modalités de partage de la valeur. Le leadership circulaire est la voie à suivre : créer un langage commun, adopter une vision à long terme, fixer des priorités et célébrer chaque progrès.